L'année 2015 a
connu un mouvement dynamique en matière des droits de l'homme dans toutes ses
dimensions .. Des problèmes comme l'esclavage et ses séquelles, la liberté
d'opinion et d’association, ainsi que l'état des prisons et la détention
arbitraire, le dossier des prisonniers salafistes et l'échec dans l'application
de laréglementation du travail, demeurent les plus importantes questions
relatives aux droits de l'homme en Mauritanie.
Au niveau de la
performance dans la lutte, cette année a connu d’importants développements et
une activité sans précédent pour ce qui est du travail des organisations et
associations des droits de l'homme, en particulier dans le domaine de la lutte
contre l'esclavage. Comme il y a eu au niveau du travail gouvernemental plusieurs
améliorations juridiques et législatives en matière des droits de l'homme,
accompagnéespar une vaste activité sur le plan diplomatique et dans les
couloirs des organisations internationales afin d'influencer l'image réflétée
de l'intérieur concernant la performance du gouvernement et du régime, en
particulier auprès de l'Organisation des Nations Unies et ses organismes
affiliés.
Nous nous
arrêterons sur les thèmes suivants dans le présent rapport, afin de cerner la
situation des droits de l'homme en Mauritanie pendant 2015
:
Sur le plan
législatif et institutionnel
1. Les lois et la législation concernant les droits de l'homme:
Bien que la
crise des libertés publiques et des droits de l'homme en Mauritanie est surtout
relative à l'application des lois sur le terrain et l’amélioration des réalités
sur la base de ces lois, bien plus qu’une crise d'absence de textes
législatifs, l'existence de ces fondements juridiques – dans son volet positif
est un soutien clé de toute lutte de droits de l'homme sur le terrain et
constitue un important fondement d’une justice future dès l’existence d’une
volonté sincère de mettre en œuvre la loi et les exigences des droits de
l'homme dans la pratique. L’aspect négatif est un catalyseur pour la réduction
des libertés publiques et des violations des droits de l'homme. Dans ce
contexte et au niveau législatif, on peut dire que 2015 a été une année des
droits de l'homme à l'égard de l'amélioration partielle enregistrée sur les
plans juridique et législatif. En effet, cette année a été marquée par:
- L’adoption des lois portant répression de la pratique de l'esclavage, leur mise en conformité avec les exigences
internationales et le fait d’ériger l’esclavage en crime contre l'humanité.
Cette année a vu également la création de trois tribunaux pénaux spéciaux pour
examiner les questions d'esclavage.
- L’adoption de la loi portant l'assistance judiciaire impliquant des
mécanismes importants pour permettre aux segments vulnérables des justiciables
l'accès à leurs droits avec l'aide de l'appareil administratif de l'Etat et la
législation à travers la prise en charge des coûts des procédures/litiges.
-
La ratification de loi anti-torture et la criminalisation
de la traite des personnes.
En ce qui
concerne la réduction des libertés publiques
:
-
Le Parlement, avec une majorité confortable en faveur
dupouvoir, a adopté la loi sur l'information et la cybercriminalité, qui vise à
renforcer le contrôle sur l'Internet et contient de nombreuses dispositions qui
peuvent être invoquées pour limiter la liberté d'expression.
-
Les Autorités ont soumis, au cours de l'année, au
Parlementla loi sur les associations, mais le Parlement a ajourné sa discussion
à une date ultérieure. Cette loi limiterait, si elle est approuvée, la liberté
d'association et menace d’une situation alarmante concernant l'étranglement des
libertés dans le pays.
2. Commission nationale des droits de l’homme:
En ce qui
concerne la Commission nationale des droits de l’Homme créée en 2006, elle n'a
pas pu, même une seule fois, utiliser tous les pouvoirs qui lui sont confiés
pour suivre et contrôler les violations en cours dans le domaine des droits
civiques et politiques. Elle n'a pas marqué une position forte et ferme, en
particulier face aux agressions, arrestations et procès politisés, continus à
l’encontre des opposants et des militants des droits de l’homme.
Il est noté dans
de nombreux cas une identification avec le discours du pouvoir et une faiblesse
dans le traitement des questions de droits de l’homme ainsi qu’une interaction
faible vis-à-vis des griefs, en particulier ceux liés à l'esclavage et au
passif humanitaire et les diverses violations enregistrées dans le domaine des
questions liées aux droits de l'homme bien que la Commission a été formée à
l'origine pour être un organe semi-indépendant vis-à-vis du gouvernement, bien
qu' initié et financé par les pouvoirs publics. Cette commission doit, selon
ses propres textes, publier des rapports objectifs pour informer les autorités
sur les dysfonctionnements et déviation en matière des droits de l'homme et
pour renforcer ces rapports,elle doit émettre des recommandations attachées à
ces rapports que la Commission doit suivre jusqu'à ce qu'elles soient mises en
œuvre. Le rôle de la Commission est encore très faible, en particulier au
niveau de l'intérieur du pays.
Droits civiques
et politiques
1. Le dossier de l’esclavage
Le débat sur la
lutte contre l'esclavage et ses séquelles a atteint des horizons lointains ; ce
défi a connu plusieurs développements dont la pire était la condamnation à la
peine de prison ferme pour deux ans du
président de l'initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA),
ce mouvement actif dans la lutte contre l'esclavage et ses séquelles. En dépit
de la déclaration formelle de libération, depuis 1981, par le gouvernement, des
poches de la pratique de l'esclavage continuaient à exister et avec elles se
sont empilés de nouveaux problèmes liés aux séquelles de l'esclavage et ses
conséquences. Le nombre de ce segment a continué de croitre au cours des
dernières décennies pour former une large communauté vivant pour la plupart
dans des «ghettos» isolés dans les ceintures de pauvreté déployés dans les
grandes villes du pays.
Avec la voix de
plus en plus forte des défenseurs de droits de l’homme demandant un traitement
plus fondamental de la question de la réalité de l'esclavage et avec la continuité
et l’extension du phénomène et ses séquelles, le gouvernement mauritanien a
lancé un fort mouvement tendant à rivaliser avec les cadres nationaux de
défense de droits de l’homme, pour reposer la question et la ré-définir de
sorte à rendre le gouvernement non responsable de la réalité de ce phénomène.
L’effort du gouvernement s’est orienté vers la mise en place de ce qu’on a
appelé la feuille de route pour éliminer l'esclavage et ses séquelles.
Mais cette
feuille de route est restée l’objet de discours dans les couloirs officiels et
au cours d’échanges avec les organisations internationales des droits de
l'homme sans être mise en application effective qu'en ce qui concerne les
modifications des lois et des aspects de la législation touchant le domaine
sans faire suffisamment de consultations avec les acteurs, les juristes et les
organisations de la société civile. Ces amendements et lois ont tout simplement
été soumis au Parlement et adoptés, le gouvernement jouissant de sa majorité au
Parlement lui permettant d'adopter les législationsfacilement. Les militants en
matière de droits de l’homme sur le terrain pensent que si ces modifications
juridiques avaient été soumises à une consultation sérieuse elles seraient
probablement l’un des piliers ouvrant la voie à la construction de structures
de droits juridiques et humains susceptibles de contribuer à résoudre les
problèmes réels rencontrés par cette frange victime d’esclavage.
Dans le domaine
de libertés, lié à ce dossier, trois militants de droits de l’homme ont été
arrêtés à savoir : Biram Ould Dah Ould Abeid, président de IRA, son adjoint,
Ibrahim Ould Bilal et le président de l’organisation "Kautal", Mr.
Djiby SOW ; ils ont été jugés fin Décembre 2014, pour être condamnés le 15
Janvier 2015. Les accusations portées contre eux étaient "rassemblement
non autorisé et appel à un tel acte », "l’appartenance à une organisation
non autorisée» et la «désobéissance non armée."
Bon nombre
d’organismes et d’organisations de défense des droits de l’homme et des partis
politiques ont condamné ceverdict et le transfert par la suite des prisonniers
à la ville d’Aleg, loin de leur juge compétent à Rosso. Parmi cesorganisations,
il y a l’Observatoire mauritanien des droits de l'homme, qui a souligné à plus
d'une occasion sa "solidarité avec les prisonniers d'Ira et a exigé leur
libération immédiate et la fin de leur emprisonnement arbitraire".
Une délégation
de l'Observatoire mauritanien des droits de l'homme s’est informée à travers
une visite sur le terrain, le 4 Avril 2015, de l’état des prisonniers d’Aleg et
a constaté l’existence de beaucoup de lacunes dans cette infrastructure
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